Eugene Leroy French, 1910-2000
Eugène Leroy est l’un des plus grands peintres français de la seconde moitié du 20ème siècle, né le août 1910 à Tourcoing, mort le 10 mai 2000 à Wasquehal.
En 1931, il entame, à l'école des Beaux-Arts de Lille, de courtes études, qu'il poursuit à Paris par des cours de dessin à la Grande Chaumière. En 1935 il s'installe près de Roubaix où, parallèlement à sa carrière de peintre, il est professeur de latin et de grec au collège Notre-Dame-des-Victoires.
Il expose pour la première fois ses peintures en 1937 à Lille, peintures qui découlent du choc de sa rencontre simultanée avec la Fiancée Juive de Rembrandt exposée au Rijksmuseum d'Amsterdam, et des peintures de Malevitch, qu’il a découvert en 1936 lors d’un voyage en Flandres et dans les Pays-Bas.
Il est mobilisé en 1940, puis revient à Roubaix où il enseigne le latin et le grec de 1940 à 1945, peignant alors des scènes de genre comme Le Massacre des Saints Innocents ou L'Opéra de quatre sous. En 1943, il rencontre le critique Gaston Diehl qui l'expose à Paris. Il peint les paysages de la mer du Nord, près de Gravelines et à Croix de 1945 à 1950 dans de vastes aquarelles aux couleurs sombres et grises. En 1951 il rencontre le marchand Pierre Loeb qui lui achète une dizaine de toiles.
Passionné par les grands maîtres, Giorgione, Rembrandt, Van Gogh, il voyage en Allemagne, Espagne et Italie et expose régulièrement à Lille. Il expose en 1954 à Paris avec Sam Francis et Serge Poliakoff. En 1958, il s'installe près de Lille, à Wasquehal, et rencontre la sculpteur Germaine Richier et est soutenu par les grands collectionneurs du Nord, Masurel et Leclerq.
En 1961, à l'occasion d'une exposition à la galerie Claude Bernard à Paris, le jeune peintre alors en voyage d'études Georg Baselitz découvre la peinture de Leroy et devient un de ses plus fervents admirateurs. Baselitz écrit :
« Je trouvais là des images brunes comme champs, comme pierre, comme bois, comme mousse, comme senteur. Une simple composition hollandaise avec une accumulation inouïe de couleur… Comme si tous les pantalons du peintre étaient suspendus à un crochet et racontaient l'histoire d'un chef-d'œuvre inconnu ».
Au guide tutélaire que fut Rembrandt, il convient en effet d’ajouter l’exemple de Jean Fautrier (1898-1964), qui incarne la part française de l’œuvre d’Eugène Leroy. De Rembrandt ou de Fautrier qui explorèrent, chacun à leur manière les possibilités multiples de la matière, Eugène Leroy hérita de la science des empâtements qui donne ce relief incomparable à ses peintures, au point de « pénétrer dans une caverne », selon Baselitz. Le grand peintre allemand fut l’un des premiers à voir dans la peinture de Eugène Leroy « un phénomène tout à fait différent » dans le Paris des Nouveaux Réalistes.
Au début des années 80 le galeriste allemand Michael Werner, ami et marchand des peintres allemands Baselitz et Markus Lüpertz, devient son agent, à la demande de Baselitz, et organise des expositions en Allemagne, Autriche, Belgique, Grèce, aux États-Unis. Sa peinture se caractérise de plus en plus par une accumulation de strates de peintures épaisses, de chaos d'empâtements extravagants d'où des figures, portraits, nus, paysages émergent à travers une observation minutieuse du spectateur. Eugène Leroy travaille la peinture : couche après couche, il enfouit l'image sous la matière pour parvenir à une occultation qui semble complète. Mais, de l'amas de matières et de couleurs émerge une figure, paysage, portrait ou nu ; c'est cet amas qui permet « que la peinture soit totalement elle-même. » Jean Clair écrit de lui qu’il veut « saisir non la ressemblance mais au contraire l’indéfini, l’insaisissable, l’imprévu. »
En 1988, le musée d'art moderne de la ville de Paris lui consacre une première rétrospective, puis le musée d'Eindhoven (Pays-Bas). La peinture d'Eugène Leroy est définitivement reconnue.
En 2003, une dizaine d’œuvres d'Eugène Leroy entre par dation au musée national d'art moderne Georges-Pompidou à Paris.
En 2009, le conseil municipal de Tourcoing accepte la donation faite au musée des Beaux-Arts par la famille d'Eugène Leroy, né dans cette ville. Cette donation comprend 55 tableaux, 13 sculptures, 140 dessins, 18 carnets de dessins et 99 gravures, soit près de 600 œuvres.
En 2010, pour le 100e anniversaire de sa naissance, suite à cette donation, le Musée des Beaux-Arts de Tourcoing, devenu MUba Eugène Leroy, organise une exposition qui présente 150 de ses œuvres.
Cela se poursuit par la grande rétrospective Eugène Leroy en 2022 au Musée d'art moderne de la ville de Paris.
« Il faut être peintre pour faire des images, et ce sont les images qui font faire la peinture, mais c'est un secret. »